Histoire
Dans la mémoire du peryton, ces voix résonnent comme un écho. Il se rappelle des ombres menaçantes, du bruit sourd des branches qui craquent et du sol qui tremble. Pour la créature, ces souvenirs sont les plus anciens qu'elle a. Toute petite, seule, avec des ailes pas plus grosses que celles d'un poulet, elle savait juste qu'elle avait peur. La raison de tout ce bruit et toutes cette agitation lui était totalement inconnue. Un humain ? Connait pas. La mort ? Connait pas. Mais son instinct de survie était là, et l'avait poussé à se retrancher dans une grotte, sous une crique.
Pour être tout à fait honnête, personne ne sait vraiment ce qu'il s'est passé, ni quelle est l'histoire du jeune peryton. Ne pouvant communiquer, il fut déjà difficile à débusquer et à ramener sur l'île tant sa méfiance et son agressivité avaient posé problème. On a suspecté la présence d'une créature lorsque plusieurs voyageurs ont commencé à disparaître de manière répétitive, pendant soi disant des tempêtes. Certains témoignages faisaient allusion à une gros oiseau, d'autres à un démon tombé du ciel. Bien que le monde extérieur n'y ait pas cru, les doutes ont commencé à naître quand le peryton commença vieillir et à prendre plus d'assurance.

Puis un jour, le peryton s'en prit à la mauvaise cible. Durant un gros orage, il avait repéré une cible. Un jeune homme seul, d'apparence fragile. Que nenni. Le jeune homme en question savait pourquoi il était là, et ce fut en croisant son regard alors qu'il piquait dans sa direction que le peryton compris son erreur. Alors qu'il comptait vite faire demi-tour, quelque chose qu'il ne saurait toujours pas identifier le frappa de plein fouet et, alors qu'il lâcha un brame sourd, son corps retomba sur le sol et ses yeux se fermèrent.
Pour la toute première fois de sa vie, le peryton n'était plus dans sa crique. Lorsque ses yeux se rouvrirent, il était enfermé quelque part, et surtout, attaché. Le début de son apprivoisement devait forcément passer par cette étape ; qui serait assez fou pour lâcher une bestiole aussi grosse dans les couloirs de Golden Age Academy sans lui avoir fait comprendre au préalable que là-bas, personne n'allait la blesser et qu'elle ne devait pas blesser également ? Pour le peryton, cette étape fut importante, mais aussi très impersonnelle. Les personnes qu'il rencontra furent diverses et variées, mais aucun nom ne lui fut donné, et lui-même ne s'attacha à aucun d'entre eux. On lui apportait à manger, on testait ses goûts, on essayait de communiquer, on l'observait pendant qu'il dormait ; bref, il resta deux bons mois enfermé quelque part. Loin d'être stupide, le peryton se montra même extrêmement vif d'esprit, comprenant très vite les démarches. Il lui fallut tout de même bien deux semaines d'adaptation pour se rendre à l'évidence qu'il ne retournerait pas « chez lui ». Curieux mais néanmoins craintif, il ne se laissait pas toucher ni trop approcher. Ce ne fut que lorsque lui fit le premier pas vers son nouveau visiteur et qu'il n'y eut aucun problème que l'on décida de son sort.

Golden Age Academy. Un lieu que même dans son rêve le plus fou, jamais le peryton n'aurait pu l'imaginer. Il ne connaissait rien de la civilisation, ni même du langage de l'homme. Il se rappelait de cris, de beuglements, de la terreur et de la colère, mais pas des rires, ni des dialogues. Peu à peu, certains mots lui semblèrent familier, il commença faire le lien entre les gestes, la parole, le regarde et le sens. Capable de comprendre le sens général des phrases, il s'avéra pourtant impossible pour la créature de reproduire les mêmes sons, ne possédant ni la bouche ni les cordes vocales nécessaires.

« Transforme toi en humain. »

Deviens ta propre proie. La créature ailée compris le message. L'envie de se sociabiliser, de comprendre, d'évoluer, d'être l'égal des autres et pas la bête de foire, ainsi que la volonté de pouvoir être indépendante la poussèrent à faire de cette suggestion un véritable objectif.
Il lui reste beaucoup à apprendre, mais le peryton compte bien y parvenir pour enfin, ironiquement, voler de ses propres ailes.