Je suis finalement arrivée dans cette maudite académie. Je n'ai aucune envie d'étudier, surtout que je sais déjà tout. Je suis une sylvidre, je fais partie de l'espèce la plus développée de l'univers ! Pourquoi devrais-je me fondre parmi ces humains primitifs au possible ? Argh... J'en ai presque mal au cœur. Oh, oui, c'est vrai. Je n'en ai pas... C'est bien mieux comme ça. Les sentiments brouillent la vision et les pensées. Ils sont sûrement l'un des plus grands défauts de ces êtres bipèdes. Moi je suis belle comme une fleur, dangereuse comme le feu, froide comme la glace et dure comme de la pierre. Preuve de ma supériorité ? Je suis à moi seule ces quatre éléments ! Mon peuple devrait dominer cette planète depuis des générations... Si ce n'est depuis toujours. Pourquoi devrait-on les détruire de l'intérieur alors que notre technologie militaire est environ une infinité de fois supérieure à la leur ? Pour les réduire en esclavage ? Je n'en vois pas l'intérêt. Ce serait risquer une rébellion – qui bien qu'inutile pour ces singes sans cervelle – serait une perte de temps. Uh... Mais je ne dois pas contredire les ordres de la grande reine. Elle sait ce qui est juste et ce qui ne l'est pas. Je lui fais confiance.
Je m'avance dans la forêt de l'île pendant mes réflexions. Je regarde tout autour de moi ; il ne semble pas y avoir de camarades. Je suis désespérément seule. J'étudierai. Je le jure. Mais je veux d'abord prendre mes repères ici. C'est important, même si en sois je n'en aurai pas besoin, mon intelligence hors-norme me permettant de m'habituer très rapidement à n'importe quelle situation. Il paraît qu'il n'y a aucun de ces stupides humains ici. C'est une très bonne chose ; je suis sûre qu'il y a au moins un ou deux autres élèves qui approuveront mon point de vue et m'aideront (même si je les détruirai avec les autres le moment venu ; en attendant ils auront droit à un meilleur traitement).
Je discute calmement avec celle qu'ils appellent dame nature. C'est elle qui nous a créées. Elle approuve nos actes et nous aide. C'est d'ailleurs de là que viennent les cataclysmes naturels. Mais elle est en mauvaise posture. Ces pourritures l'ont trop abîmée avant qu'elle ne se rebelle... Je m'avance sans prêter grande attention aux bruits de la ville qui se font entendre au loin. Ce serait me faire du mal que de ne pas les ignorer. Je progresse entre les arbres qui s'inclinent légèrement en ma présence. Ils savent reconnaître leur maître, eux. Un craquement se fait entendre. Je me retourne brusquement. J’aperçois une silhouette, qui semble humaine. Je ne veux pas que l'on vienne me demander ce que je fais ici, mais je me contente de ne pas y prêter attention et de poursuivre mon chemin, en espérant qu'elle ne vienne pas m'aborder.
J'ai décidé d'ignorer la présence qui se trouvait derrière moi. Je continue mon chemin sans même me retourner. Je ne prête même pas attention au fait que j'expose clairement ma nature à cette personne avec les arbres qui se penchent à ma venue. En fait, je m'en contrefout. Je ne suis même pas sous ma forme "humaine". Argh... Il faut que je trouve un autre nom, je ne peux pas supporter de m'associer à eux... Donc; je ne suis même pas sous ma forme... Camouflée. Oui, c'est bien. Je ne suis même pas camouflée. Donc, la peau et les cheveux verts. Je crois qu'à ce jour, aucun humain n'a jamais découvert l’existence des miennes... C'est pitoyable... Et ils se disent êtres les plus intelligents... Argh... "Arrête Sylvie, tu te fais du mal..." Oui, j'arrête. J'avance.
L'autre doit être parti maintenant. Il n'aurait de toute manière aucune raison de me suivre, si? Bref, je ne m'en soucie pas. Je continue donc mon chemin dénué de sens au beau milieu de la forêt, quand j'entends un grand frottement sur le sol derrière moi. Surprise, je tends ma main grande ouverte devant moi, pour que tout les arbres retournent à leur position d'origine. Je me retourne, et vois au sol un garçon. Le garçon de tout à l'heure. Je tire d'abord une grimace méprisante.
"-Tsss..."
Puis je l'observe. Il est étalé contre terre, bras vers l'avant, soutenant ce qui ressemble fort à un nid. Ses occupants se sont d'ailleurs réfugiés dans ses cheveux en bataille. Il porte une espèce de masque qui recouvre tout le bas de son visage, sauf sa bouche. Je le regarde de haut, me tenant droite et affichant un air supérieur. Apparemment, il a tenté de sauver ces petites créatures sans intérêt. Elles ont dû tomber des branches d'un de mes arbres. Il a une tête d'humain.
"-Qui est tu? Pourquoi me suis-tu?"
Je ne prends même pas la peine de l'aider à se relever ou quoi que ce soit. Je n'aime pas que l'on m'espionne. De peur qu'il ne s'enfuie avant de répondre à mes questions, je m'approche de lui, et me poste juste devant. Je baisse les yeux sans pour autant me pencher, avant d'ajouter, toujours d'un ton méprisant et grave au possible;
"-Pourquoi as tu eu besoin de les rattraper?"
Maintenant qu'ils les a touchés, ces oisillons, ils sont destinés à mourir, de toute façon. Maintenant qu'ils sentent l'humain, ou le monstre, peu importe, ils n'ont plus l'odeur de leur mère et cette dernière les reniera pour ça.
Après un instant de silence de la part de la jeune personne, elle répond;
"-Bien bavarde…"
C'est tout ce qu'il a à dire pour sa défense? Ca ne répond pas à mes questions, petit. Tu as intérêt à me donner ce que je veux. Et tu as intérêt à le faire très vite. Il se relève, laissant les deux petites créatures sur sa tête. Il est maintenant couvert de terre et de poussière. Une chance pour lui qu'il n'ait pas plu récemment. Quoique... C'aurait pu être amusant à regarder. Je remarque qu'il porte une sorte de longue épée, qu'il touche légèrement, pour l'épousseter ou me faire comprendre qu'il n'est pas sans défense. Peu importe. Croit-il vraiment qu'il pourra me faire quoi que ce soit avec ce jouet? Visiblement non, puisqu'il fuit. Il s'en va. En m'ignorant complètement. C'est hors de question, gamin. Je ne te laisserai pas filer. Je t'ai posé une question, et j'attend une réponse. Il s'éloigne, et un rictus méprisant et insatisfait se dessine sur mon visage, quand il fait demi tour. Il revient peu à peu vers moi, mais je me doute bien qu'il n'a aucunement l'intention de m'adresser la parole. Il se met juste à genou et dépose les deux petits oisillons au sol. Ceux-ci se partagent un vers de terre. Je ne peux m'empêcher d'y voir une magnifique métaphore, mon peuple dans le rôle des piafs, et l'humanité dans celle de leur nourriture.
"- … Vous êtes désormais livrés à vous-mêmes."
Leur dit-il, toujours en m'ignorant de manière absolument insupportable. Très bien. TU l'auras voulu, sale gosse. Qu'est ce que c'est que ce petit sourire niais sur ton visage? Tu es ridicule. Tsss... Et il essaye à nouveau de partir. Hors. De. Question. Je fais un signe de la main, et les branchages des arbres de la forêt se penchent et s'entremêlent pour former une barrière autour de lui et moi. Nous sommes entourés d'une barrière de plusieurs mètres de haut et d'au moins un demi d'épaisseur. Infranchissable. Et je ne laisserai pas les arbres retourner à leur position initiale tant que je n'aurais pas eu ma réponse. Aussi, si il essaye d'escalader, j'adapterai mon piège. Si il essaye de le trancher avec son arme? Il aura beaucoup de mal, et je ne lui pardonnerai pas de s'en prendre à la végétation. J'attends qu'il se retourne à nouveau vers moi, et lui lance toujours sur le même ton;
"-Je t'ai posé une question."
Une branche descend de nulle part et vient récupérer les oisillons pour les mettre à l'abri.
Bien évidemment, il est surpris de se retrouver pareillement enfermé. C'était prévisible de sa part. Tout les humains sont prévisibles. Et apparemment, certains monstres aussi. C'est l'un de leurs innombrables défauts. On sait à quoi s'attendre... Il agrippe son arme. Je ne sais pas si il a l'intention de m'effrayer comme ça ou quoi, mais il risque d'être déçu. Il attend encore. Quoi? Est ce que la question était trop compliquée pour toi? Tu veux que je te l'écrive? Tsss... Quand il se décide enfin, sa réponse se révèle aussi stupide qu'inutile et vaine.
"-… De quelle question tu parles au juste ? Parce que tu m’en as posé trois dont je me passerais bien la peine d’y répondre tant cela ne t’apporterait rien. … C’est une habitude chez toi de s’intéresser à quelqu’un qui je doute fort t’intéresse réellement ?"
Tant de paroles inutiles... Et il veut me faire croire qu'il ne veut pas parler? C'est juste un gosse qui ne veut pas obéir aux ordres et qui n'en fait qu'à sa tête! À moins que ce ne soit juste un imprudent, ou un inconscient, ou tout à la fois. Il faut connaître son maître, petit. C'est comme connaître la chaîne alimentaire où les asticots sont en dessous des oiseaux, et les sylvidres au dessus de toutes autres créatures!
"-Si tu ne veux vraiment pas parler alors retient toi de faire ce genre de remarques débiles! Tu gaspilles plus de salive qu'autre chose. Et je n'ai que faire de toi en sois. Je t'anéantirai comme tout les autres le moment venu. Si je te pose ces questions c'est parce que tu me déranges personnellement. Alors maintenant récupère le peu de fierté qui reste de ton espèce et répond moi!"
Argh... J'ai dit que j'allais l'anéantir. Peu importe, il ne pourra rien y faire. Il faut juste éviter de lui donner trop d'informations à propos des miennes. Il faut que je fasse attention à bien filtrer mes paroles de mon côté aussi. Même si ce ne sera pas très difficile étant donné mon intelligence supérieure. Le tissage de branchage monte un peu plus haut, réduisant au passage la luminosité dans la sorte d'arène crée par mes soins. Le but est bien évidemment de le faire se sentir oppressé. Si il désire se mesurer à moi, qu'il essaye. Il n'a aucune chance. Gaïa est avec moi. Un léger souffle de vent se fait entendre, balançant ma chevelure sur un seul côté pendant un instant.